Le barbare, une certaine vision de l'honneur.
" De mon temps, on avait à cœur de partir à l'étranger dès que l'occasion s'en présentait, et d'y jouer de l'épée pour acquérir fortune et renom. Aujourd'hui, trop de jeunes veulent rester assis au coin du feu à s'emplir la panse de bière. Ne suis pas cet exemple et sois toujours actif "
Au pays.
Pratique avec ardeur les exercices physiques, mais prends garde qu'ils ne dégénèrent en combat sans profit. Garde ton énergie pour les vraies batailles. Au jeu de balle, abstiens-toi de briser les membres ou le crâne de ceux qui se dressent devant toi - sauf, bien sûr, s'ils oublient eux-même de retenir leurs coups.
Efforce-toi de faire tout le mal possible à tes ennemis, mais envers ta famille et tes proches, montre-toi, loyal, serviable et généreux.
S'il te faut combattre alors que tu n'as pas d'armure, cherche deux pierres larges et plates que tu puisses lier sur ton ventre et ton dos.Si tu abats un homme, va aussitôt dans la ferme la plus proche et revendique le meurtre devant témoin. Si tu n'agis pas ainsi, tu risques d'être déclaré coupable de crime honteux. Ne t'empares pas des biens de l'homme que tu as tué, et ne moleste ni sa femme, ni ses enfants, ni ses serviteurs.
Lorsque tu partiras en expédition.
Ne laisse personne te traiter de voleur. Comme le voleur, le viking s'enrichit par le pillage et la prédation, mais lui ne s'en cache pas. Lorsque l'équipage débarque sur une terre étrangère et se disperse pour piller, ne t'éloigne pas plus qu'il n'est raisonnable et sois exact au rendez-vous. Surtout, ne t'enivre pas ton chef aurais bien tort de risquer sa vie et celles de ses hommes pour attendre un ivrogne.
Dépose tout le butin que tu ramènes devant le pieu que le chef a planté sur la plage et ne garde rien sur toi. Les richesses conquises doivent être réparties de manière équitable.
Si l'ennemi prend le dessus, ne songe ni à te rendre, ni à battre en retraite - à moins que le chef auquel tu as prêté serment ne soit tué.
Si tu as la chance d'explorer une terre nouvelle, présente exactement à ceux qui t'interrogent les bons et les mauvais côtés du pays. Ne prétend pas que le beurre dégouline de chaque touffe d'herbe, que l'or affleure sur les montagnes, ou d'autres sottise du même genre, car le ridicule s'attacherait à ton nom de manière durable.
Lorsque tu commanderas un vaisseau.
Organise froidement tes expéditions en cherchant le plus grand profit pour le moindre risque. Apprends à raisonner en tenant compte d'un grand nombre de choses ; pour cela, pratique le jeu d'échecs qui assouplit l'esprit.
Avant de vendre tes prisonniers comme esclaves, cherche à les rançonner. Tu en tirera un meilleur prix et tu t'épargneras la peine de les transporter. Laisse tes hommes allumer des incendies. Le feu démoralise l'ennemi ; de plus, lorsqu'une ville ou un domaine brûle, ses habitants ont autre chose à faire que d'organiser poursuites et représailles.
Au lieu de remonter un estuaire en brûlant les villages dans l'ordre où ils se présentent, profite d'une nuit sans lune pour pénétrer aussi loin que possible dans les terres, puis repars vers la mer. Si tu viens d'où l'ennemi ne t'attend pas, il n'aura pas le temps de cacher ses trésors ni d'organiser sa défense.
Au retour d'une expédition, ne cherche pas à tout prix à regagner ton pays natal. Si les vents te détournent, prends en ton parti et cherche seulement à atteindre une terre où tu seras bien reçu : les nôtres occupent de nombreuses îles de l'Océan. Lorsque tu approches d'un rivage ami, démonte la tête de serpent qui orne la proue de ton vaisseau, afin de ne pas effrayer les esprits qui habitent le pays.
Fais des présents au fermier qui t'héberge. -Si tu vends ta cargaison, offre-lui le premier choix.
La parole donnée est sacrée. Mais l'homme intelligent sait tourner un serment arraché sous la contrainte. Ainsi Svein, qui avait dû jurer fidélité à Tollborg l'Usurpateur, laissa ses hommes le massacrer, « car eux n'avaient rien promis. »
Lorsque tu régneras sur ton domaine.
Si tu n'as pas la chance d'hériter d'une ferme, achètes-en une grâce aux profits de tes expéditions ou colonise une terre nouvelle. Ne provoque pas en duel l'homme âgé ou infirme afin de s'emparer de son domaine. Ceux qui agissent ainsi sont plus méprisés que les tueurs à gage. Et n'oublie pas qu'un vieillard, même s'il n'a pas de fils, peut trouver un guerrier valeureux qui le remplacera le jour du combat.
Si tu colonises un pays désert, lance à la mer le montant de ton haut siège quand tu seras en vue des côtes. Suis la pièce de bois où le courant l'emportera et aborde où elle touchera le rivage. C'est là qu'il te faudra construire ta ferme.
Marie-toi vite et engendre beaucoup d'enfants. La force de ta maison s'en trouvera accrue.
Lorsqu'au début de l'hiver, un vaisseau aborde près de ta ferme, qu'il s'agisse d'un marchand ou d'un viking dérouté par la tempête, héberge l'équipage et traite-le aussi bien que tes moyens te le permettent. Si tu ne peux loger tous ces hommes chez toi, trouve au moins une cabane où ils puissent attendre le retour d'une saison favorable à la navigation.
L'hospitalité crée des liens sacrés. Tu ne dois pas les briser, même si tes hôtes se conduisent mal. S'ils offensent gravement quelqu'un, au point que l'insulte doive être lavée dans le sang, fais en sorte que le combat se déroule hors de chez toi et n'y participe pas.
Si un différend t'oppose à un chef qui dispose de beaucoup plus d'hommes que toi, tu peux le vaincre en procédant ainsi : un soir où toute la maisonnée dort après un bon repas, mets le feu à la toiture et garde la porte. Abats les hommes qui tenteront de passer par l'ouverture étroite - mais auparavant, laisse sortir les serviteurs, les femmes et les enfants.
Si c'est toi qui te trouves piégé dans une maison en flammes, suis l'exemple de Hrolf Kraki et de ses braves : ils joignirent leurs forces pour abattre un pan de mur et chargèrent leurs ennemis. C'est en effet le seul parti à prendre - même si le toit risque de s'effondrer au moment où le mur s'abat.
Si tu reçois un roi ou un chef puissant, prends garde de ne pas inviter à la fête plus d'hommes que n'en compte sa suite : il pourrait l'interpréter comme un défi à son autorité, ou même s'imaginer que tu projettes de le tuer.
Quand viendra l'heure de mourir.
La vie n'est pas chose si précieuse que tu doives sacrifier ton honneur pour la conserver.
Quand le vaisseau de Bjarni Grimolfsson fut rongé en plein océan par une multitude de vers marins, seule la moitié de l'équipage put trouver place dans la barque de sauvetage (elle était enduite de graisse de phoque, qui protège contre les vers). On tira au sort : Bjarni fut désigné parmi ceux qui devaient être sauvés. Un Islandais qui n'avait pas eu cette chance lui dit alors:
Tu avais promis à mon père de veiller sur moi. Est-ce ainsi que tu tiens parole ? Prends ma place, si tu tiens tant à la vie," répondit Bjarni.
Et il remonta dans le vaisseau rongé par les vers. Nul ne le revit jamais, mais on se souvient qu'il s'est comporté en homme. |