Le chevalier, victime de la pression sociale.
La bonne rencontre,
Je me présente Sire Rébin de Silmerhelve, Chevalier du Renouveau de Lathandre et fils aîné d'une puissance famille aquafondaise. Je vais vous parler de la dure vie que doit mener une personne de ma condition. Le but de cet article est d'amener les PJ chevaliers à comprendre l'importance que leur caste accorde à la notion d'honneur. Sont d'abord visés les chevaliers qui se conforment au code féodal, plus ou moins influencé par l'amour courtois. Cependant, les paladins aussi peuvent être concernés, dans la mesure où leurs personnages, d'origine noble, assument les contraintes liées à ce statut en plus des obligations découlant de leur idéal religieux.
Ne pas pousser le heaume trop loin !
Parmi les articles du code de chevalerie, ce que les rôlistes d'aujourd'hui jouent probablement le plus à contre-coeur, c'est le dédain pour les trésors. On connaît l'incroyable mauvaise foi des joueurs soutenant qu'ils peuvent réellement - alors qu'ils sont revêtus d'une armure de plates complète et portent une jeune fille inconsciente sous un bras - transporter,en plus, la statue de platine d'une tonne et demie de Liira, déesse de l'Amour, le long d'une douzaine d'escaliers viscieux infestés d'orcs. ("Evidemment, discuteront-il confrontés aux faits, "je peux toujours revenir chercher la fille, si ça fait réellement trop.")
A coup sûr, les joueurs ne seront guère disposés à ce que leurs personnages suivent un code d'honneur qui leur rend la vie plus difficile. Mais un MJ expert fera jouer la pression sociale : car les PNJ, eux, savent parfaitement ce que représente l'honneur d'un chevalier, et ils s'attendent à que les PJ se conforment aux règles en usage.
" Ce ne sont que des orques !"
Imaginez la frustration d'une table de joueurs à cause d'un chevalier PNJ que leurs personnages ont réussi à persuader "d'aider" leur groupe. Supposons que ce PNJ, Sire Roderic le Hardi, prenne son tour de garde en pleine nuit alors que la compagnie campe dans une forêt de pins. Soudain, Sire Roderic perçoit le bruit d'une bande d'arcs qui s'approche. Autour du feu de camp dorment les PJ : Sire Belloane, un chevalier ; Lars un barbare Silk N'a-qu'un-œil, un voleur, et Jestra une enchanteresse. Sire Roderic va-t-il les réveiller pour qu'ils se joignent au combat ? ou va-t-il noblement décider qu'il peut prendre en main la situation tout seul ("Ce ne sont que des orcs !"), laissant les PJ se faire surprendre par la mêlée qui va suivre ? Si le combat tourne au désavantage du groupe, Sire Roderic acceptera-t-il de se retirer, ou va t-il proposer que le groupe oppose une ultime et vaillante résistance ? Si notre chevalier choisit le "retrait tactique", il voudra assurément être le dernier à reculer - et, au cas où Sire Belloane ne lui dispute pas cet honneur, il l'aiguillonnera plus tard à ce sujet. Finalement, s'étant retiré, Sire Roderic voudra s'assurer que son honneur n'a pas été terni. II discutera probablement avec les autres membres du groupe, et certainement avec Sire Belloane, pour savoir qui a accompli les plus vaillantes actions de la bataille.
Chacun sa place.
Imaginez la confusion du pauvre Sire Roderic si un manant comme Astryax ou Larss'avérait être le véritable chef du groupe au lieu de Sire Belloane.Du point de vue de Sire Roderic, des gens du peuple comme les voleurs ou les barbares ne peuvent qu'être les serviteurs de Sire Belloane, jamais ses pairs, et surtout pas ses supérieurs. A force de vivre ensemble, nul doute que les joueurs auront permis à leurs personnages d'établir une certaine familiarité dans leurs rapports. Et Sire Roderic, devant la façon égalitaire dont Sire Belloane traite ses inférieurs sociaux, pourrait très bien en conclure qu'il a été "ensorcelé" par Silk ou Jestra ou qu'il est indigne du statut de chevalier.
Supposons que Sire Roderic décide que Sire Belloane, de par sa conduite non chevaleresque, a perdu le droit de diriger le groupe. Sans aucun doute le défiera-t-il d'abandonner cet honneur ou de l'affronter en combat singulier.
Si le groupe s'en remet au commandement de Sire Roderic, les joueurs seront certainement consternés de le voir repousser les trésors offerts au groupe par des bourgeois reconnaissants en récompense de leurs vaillants exploits. Au moment où Silk et Lars avancent, les mains avides de saisir un butin bien mérité, Sire Roderic - la poitrine gonflée de chevaleresque fierté - fait un pas en avant pour annoncer à la population rassemblée que la gloire de leurs exploits est une récompense suffisante. Avant que Lars et Silk aient pu faire un autre pas, la foule acclame l'offre généreuse de Sire Roderic et enlève le trésor. Les visages de Silk et de Lars sont un modèle d'angoisse et de stupéfacion tandis que le tas de joyaux étincelants qui était reesque à eux disparaît hors de portée dans la sécule d'une crypte voisine. La réputation de Sire Goderic sort grandie d'avoir refusé une récompense ligne de la rançon d'un roi. Mais ses compagnons sont juste un peu plus vieux et plus sages...
Pour les Yeux de Jestra.
Même si l'on ne permet pas à Sire Roderic assumer le commandement, le groupe peut être certain que sa conduite envers la magicienne sera source de tracas. Si Jestra est d'une beauté et d'un charisme au-dessus de la moyenne, Sire Roderic peut supposer qu'elle est secrètement de noble naissance et lui demander une écharpe, une broche ou même une pièce intime de ses vêtements, pour arborer dans la bataille en signe de sa dévotion pour elle. Les avances de Sire Roderic paraîtront d'autant plus déplacées que Jestra peut avoir fait vceu de chasteté, ce qui lui interdit de répondre positivement à de telles requêtes. Sire Belloane tente-t-il d'intervenir ? Aussitôt, Sire Roderic le considère comme un rival et le provoque en duel "pour savoir lequel de nous deux est le plus digne de servir cette dame."
Dans AD&D®, un personnage de chevalier féminin pourrait renverser les rôles et faire des propositions aussi excessives aux beaux personnages masculins rencontrés, cherchant à devenir la championne d'armes de l'un d'eux.
Si le groupe a de la chance, Sire Roderic sera déjà engagé auprès d'une autre dame, ce qui exclura des avances de sa part envers Jestra. Mais alors, on peut être certain que Sire Roderic arborera sur sa personne une quelconque pièce de vêtement féminin et malheur à la pauvre âme qui osera seulement sourire du spectacle !
Tensions sociales.
Même si le groupe parvient à se débarrasser de Sire Roderic, nul doute qu'il existe une quantité de PNJ écœurés et las d'être constamment toisés de haut par des chevaliers prétentieux. Au nombre de ces PNJ pourraient fort bien se trouver des figures importantes, comme le maire d'une ville ou un riche homme d'affaires. Instruits par une longue expérience, ces derniers considéreraient les chevaliers comme rien de plus qu'une poignée d'arrogants hypocrites. Des personnages influents de ce genre pourraient prendre un malin plaisir à faire ressortir à Sire Belloane lors de son passage en ville, tous les points où sa conduite est en dessous de l'idéal chevaleresque. Ils pourraient même aller jusqu'à faire composer des chansons moqueuses à son sujet, en sorte que les autres chevaliers se mettent à le traquer pour éliminer cette honte de leur profession. C'est la façon dont Sire Belloane ripostera à ces pressions qui fera de lui un chevalier.
Chaque chevalier, pris en particulier, peut choisir ou ne pas choisir d'adhérer strictement à un code d'honneur - mais il ne devrait pas lui être permis de n'être qu'un homme ou une femme du XXe siècle en armure de plates. II est impossible d'incarner correctement cette classe de personnage si le joueur et le meneur de jeu ne comprennent pas le contexte social dans lequel opère le personnage, ni combien le concept d'honneur va être important pour les autres chevaliers rencontrés.
Sources.
|