CHRONIQUE - SZITH MORCANE |
Écrit par Jaffar |
Mercredi, 18 Août 2010 10:27 |
Livre 2: Szith Morcane, carrefour d'Outreterre.
La Compagnie des Écus de Fortune, chargée d'enquêter sur une série d'attaques récentes menés par des drows contre Valdague, découvre que l'origine des attaques est un réseau d'anciennes cryptes dans les collines de la dague. L'exploration permet de mettre à jour un accès à Outreterre, mais surtout confronte les aventuriers à un groupe de drows fidèles à Loth. Qu'elle n'est pas la surprise des compagnos lorsqu'ils comprennent que Loth est devenue silencieuse et qu'une guerre civile a éclaté dans l'avant-poste de Szith Morcane. Après avoir fait son rapport à Randall Morn, la compagnie des Écus de Fortune décide de pousser ses investigations jusque dans la cité de Szith Morcane.
Chapitre I - Approche diplomatique naine.5 Mirtul 1371 CVComme l'avait craint Astryax, les portes de pierre étaient de nouveau closes lorsque la compagnie revint sur les lieux et, sans la présence de Dorothée il lui semblait impossible de les franchir. Un sourire bienveillant sur le visage, Banedon écarta le noble cormyrien et invoqua les forces divines. Modelant la pierre, il pratiqua une large ouverture circulaire dans l'un des deux battants. La difficulté contournée, Katana guida ses camarades dans les catacombes jusqu'au repaire du Mauzerhi. - Au delà, il doit y avoir un poste de garde drow se souvint la demi-orque. Le démon nous l'avait dit. Richard proposa de partir en éclaireur. Retirant son ceinturon des yeux du chat, Banedon le tendit au rôdeur: - Cela te sera utile. Avec ce précieux objet, tu verras dans les ténèbres aussi bien qu'en plein jour. Prends-le, j'ai une lanterne sur laquelle j'ai lancé un sortilège de lumière perpétuelle. Remerciant le prêtre d'un signe de tête, Richard s'enfonça dans l'obscurité. Quelques instant plus tard, retentit un cri: - Contact ! Se ruant en avant, Nîrden et Bolak rejoignirent le ranger aux prises avec un araignée et deux guerriers drows. Poussant un ricanement démoniaque, Riava la hyène fut plus prompte à réagir. Dépassant les petits guerriers, elle se jeta sur l'un des drows. Faisait appel au pouvoir naturel de lévitation de son peuple, ce dernier s'éleva au-dessus du sol. Malheureusement pour lui, la caverne dans laquelle le combat se déroulait était basse de plafond. Une mâchoire d'acier se referma sur son mollet faisant céder les mailles métalliques de l'armure. Luttant avec l'énergie du désespoir, il fut irrémédiablement attiré vers le sol. Dans un ultime sursaut de volonté, il enfonça son épée courte dans le flanc de l'animal. Mais Riava tenait sa proie. Rapide comme l'éclair, elle changea d'angle d'attaque, saisissant le malheureux à la gorge. Et lorsque Richard la retrouva quelques instants plus tard, le visage du combattant n'était plus qu'un trou béant d'où s'écoulait des fluides cervicaux. L'homme des bois haussa les épaules, conscient que son compagnon animal ne faisait que respecter le cercle naturel de la vie. Reprenant sa progression, la compagnie suivit un chemin à forte déclivité qui s'enfonçait dans le sol. Le tunnel s'arrêta brusquement contre un mur de granite taillé dont l'aspect tranchait fortement avec celui des parois naturelles alentours. Au pied du mur, se découpait un trou près duquel un gros anneau de fer était scellé dans le sol. Bolak se pencha et estima que le sol se trouvait tout au plus à deux mètres: - Deux mètres, c'est faisable. Il y a fort à parier que des sentinelles se trouvent là-dessous. Écartez vous, je m'en occupe. Invoquant un anneau vrombissant de lames, le nain sauta. Il n'avait pas encore touché le sol qu'un éclair magique s'abattit sur lui. Mais la résistance naturelle des nains contra la majeure partie des effets du sortilège. Se redressant, Bolak avisa trois adversaires potentiels. Le premier était hideux. Il avait la taille et l'aspect général d'un drow, mais son corps ne portait ni pilosité, ni même de peau. On pouvait voir ses muscles écorchés et luisant suinter le sang. Ses yeux ne cillaient pas et il crispait et décrispait les poings en rythme, comme pressé de se battre Derrière cette horreur se trouvaient deux drows. L'un d'eux portait une chemise de mailles et un tabard blanc ; le second un tabard violet et un pantalon noir. Bolak eut un sourire mauvais avant de prononcer un mot de pouvoir. La température ambiante s'éleva brusquement et une colonne de feu surgit du néant pour engloutir les adversaires du nain. Lorsque la poussière générée par l'enchantement se dissipa, il ne restait rien des deux drows. Le mort-vivant, quant à lui, était toujours là. Ouvrant une large gueule, il vomit un puissant jet d'acide et de sang qui grésilla sur l'armure naine. Il n'eut cependant pas le loisir de réitérer son attaque, une vague d'énergie divine le frappa de plein fouet. Le non-mort se roula par terre en écumant de rage. Il se redressa brutalement, fixant Banedon dans les yeux avant de se précipiter vers lui pour le mordre. Brandissant son symbole béni, Banedon déchaîna une seconde vague d'énergie positive, le monstre s'écroula à terre comme foudroyé. Avant qu'il ne se reprenne Nîrden lui trancha la tête. Le souffle court Banedon, Bolak et Nîrden étudièrent leur nouvel environnement tandis que les autres achevaient de les rejoindre. La caverne était de petite taille et s'ouvrait sur un large gouffre. Contrairement au reste du complexe souterrain où l'air était d'un calme mortel, il montait des profondeurs du gouffre un fort courant d'air glacial. Alors qu'il ne dépassait pas les dix mètres de large, l'immense faille se prolongeait sur des centaines de mètres vers la droite et la gauche. Dans la gueule noire du gouffre, qui semblait s'enfoncer jusqu'au tréfonds de l'Outreterrel'ombreterre, de grandes toiles d'araignées s'étendaient dans les ténèbres. Du fond parvenait le bruit d'une eau rugissante. S'approchant avec prudence du bord de l'abîme, Richard distingua plusieurs ouvertures dans les parois. De l'une d'elle surgit brusquement un guerrier drow. L'elfe noir évoluait, en équilibre précaire, sur des fils de soie de la taille d'un bras humain. Le rôdeur encocha une flèche qui fusa dans les ténèbres. Elle cueillit à la poitrine le drow qui bascula en hurlant dans le vide. Sa chute fut stoppée par les innombrables toiles qui s'étiraient d'une paroi à l'autre. Pourtant loin d'être soulagé, le guerrier à la peau d'ébène se débattit comme un beau diable en hurlant. Quelques secondes plus tard, les compagnons comprirent l'effroi qui étreignait le malheureux. Émergeant de dessous une saillie, une gigantesque araignée se précipita sur sa proie. Des chélicères perforèrent l'armure, injectant un puissant venin qui paralysa la victime. L'arachnide entreprit ensuite de liquéfier les organes internes du drow. La compagnie, alignée au bord du gouffre, assistait impuissante au repas de l'enfant de Loth. Une grimace d'effroi déformait les traits d'Astryax et lorsqu'il vit Richard bander une nouvelle fois son arc, il crût que le rôdeur dans un élan de clémence allait s'assurer de la mort de l'elfe noir. Il n'en était rien. La flèche se planta dans le corps bulbeux de l'araignée qui cessa de se nourrir pour chercher l'origine de la douleur. Dans un bel ensemble, tous les compagnons se replièrent hors de vue tandis que l'homme des bois encochait calmement un nouveau projectile, - T'es malade ! hurla Astryax. Tu vas l'attirer ici ! Tu as vu la taille de ce monstre ? Elle fait au moins cinq mètres de long. Malgré sa taille et son aspect démoniaque, l'araignée n'en restait pas moins une vermine. Incapable de localiser son assaillant, elle se retira prestement dans son antre. - Allez les fillettes, elle est partie la vilaine bête, ricana le rôdeur. En un instant, Banedon comprit ce qui rapprochait Richard de sa hyène. - Je crois que les drows tentent une nouvelle sortie. Bolak et Katana prirent position à droite et à gauche de Richard qui visait calmement le volontaire désigné qui s'élançait sur la toile. - Il cherche à donner l'alerte. La flèche trouva sa cible et le guerrier rejoignit son prédécesseur dans les griffes de la mort. La même scène horrible se produisit: l'araignée sortit de son antre et paralysa sa victime. Cependant, elle prit soin de se retirer avant de déguster son repas. Quelques secondes plus tard, une troisième sentinelle tenta sa chance sans succès. A la quatrième tentative, un sorcier drow couvrit l'avance de son compagnon. Un éclair magique déchira les ténèbres. Effectuant un impressionnant roulé-boulé, Richard se rétablit hors de la zone d'effet et lâcha deux flèches qui atteignirent le drow qui se balançait sur les câbles de soie. - Nîrden, transforme toi en araignée et rejoins ce maudit poste de garde. Tue-les tous ! Ils ne doivent pas donner l'alerte proposa Astryax. Les phalanges de Nîrden blanchirent tant il serrait le manche de sa hache runique. Une lueur meurtrière brillait dans son regard lorsqu'il se tourna vers ses deux compagnons, - J'y vais! La voix de Banedon brisa la tension qui s'était installée. L'élu de Chauntéa marchait dans le vide soutenu par la puissance d'un sortilège de marche dans les airs. - Arrivé au niveau du poste de garde, j'invoquerai la puissance de la terre sous la forme d'une barrière de pierres acérées. Cela devrait vous laisser le temps de me rejoindre. Alors qu'il invoquait pour la dernière fois de la journée le pouvoir de son collier arachnoïde, il entendit Bolak marmonner: - Allez cache toi derrière un humain, Nîrden. Le ton de l'élu de Clangeddin était clairement méprisant et Nîrden jura de ne pas oublier l'affront que les deux compères venaient de lui infliger. Bolak avait soutenu une demi-orque plutôt qu'un frère de sang, c'était peut être cela le pire.
Le poste de garde se révéla être un cantonnement tenu par une douzaine de guerriers drows. Ces derniers se battirent avec férocité et courage lorsqu'il devint évident qu'aucun d'entre eux ne parviendrait à quitter la zone pour donner l'alerte en raison d’un sort de mur d’épines. La mort du sorcier, qui les appuyait, marqua le tournant de l'affrontement. Un seul drow survécu au combat; une jeune femme répondant au nom de Vrel'rit. Soumise à un feu roulant de questions, elle confirma aux compagnons qu'ils avaient investi l'avant-poste de Szith Morcane. Comme l'avait souligné Tierak Morcane, la famille Morcane avait été anéantie par la famille T'Sarran, qui vénérait la Banshee Blanche. La plupart des soldats de la Maison Morcane avait rallié, à cette occasion, la maison T'Sarran, faisant ainsi preuve du pragmatisme typique des drows. Interrogée sur l'organisation de l'avant poste, Vrel'rit expliqua qu'il était organisé en grottes accessibles via la toile d'araignée ; seules deux zones étaient reliées entre-elles par un autre passage: le niveau du marché et le niveau des roturiers. Deux cavernes distinctes du réseau formaient respectivement l'école de magie de la Tour Inversée et le temple de Loth. Ce dernier avaient été détruit lors de l'assaut initial de la maison T’Sarran et remplacé par une chapelle en l'honneur de Kiaransalee. Vrel'rit précisa que les prêtresses sortaient rarement du temple si ce n'était pour conduire des raids à la surface. Questionnée sur l'école de magie, elle expliqua que les mages avaient adopté une position de parfaite neutralité lorsque les T'Sarran et les Morcane s'affrontaient. Richard porta ensuite l'interrogatoire sur la cité de Maerimydra et sur l'armée à laquelle Tierak Morcane avait fait allusion. Il apparut que Vrel'rit ne pouvait guère éclairer la lanterne du groupe. Selon les rumeurs, une armée de géants assiégeait la cité et avait pris le contrôle d'une partie de celle-ci. La jeune drow ne put en dire plus. - Par la barbe de Morandin, les nouvelles ne sont guère réjouissantes, s'inquiéta Bolak. Je dois prévenir mon peuple de ce qui se trame dans les ténèbres. La cité de Maerimydra est une cité d'importance et je crains que ce qui s'y déroule n'affecte l'ensemble de l’ombreterre haute. Ce faisant, tous se tournèrent vers Frère Banedon. L'élu de la terre mère leva les yeux de la lettre qu'il avait découverte dans l'un des cantonnements. - Oui, nous avons rendez-vous avec elle devant les cryptes à sexte. C'est à dire, à mon avis, dans moins d'une heure.
Alors que ses compagnons discutaient quant à la marche à suivre, Richard proposa d'aller se poster au bord du gouffre afin de surveiller la zone. D'un mot de pouvoir, Banedon dissipa le mur de ronces qu'il avait invoqué au plus fort des combats afin de bloquer toute possibilité de fuite aux combattants drows. Accompagné de Riava, Richard s'éloigna et se positionna afin de bénéficier d'une vue dégagée sur la toile d'araignée géante. Aucun mouvement ne venait troubler le calme malsain de l'endroit. Riava émit brusquement un grognement sourd et son poil se hérissa. Richard réagit d'instinct encochant une flèche. - Tu as senti quelque chose ma belle ? Pourtant rien ne bougeait dans les ténèbres. - Quel mauvais endroit pour se battre, murmura soudain une voix à son oreille. Richard évalua rapidement les chances qu'il avait de saisir son épée et de frapper à l'aveugle son interlocuteur. Les chances étaient minimes mais il devait avertir ses compagnons du danger. Sa main glissa discrètement en direction du pommeau de sa lame. - Je pensais que vous aviez un accord avec mon ami. Le second mage, sous invisibilité, sourit. Il vit l'expression d'horreur et de surprise sur le visage du cormyrien. Désorienté, il serait plus vulnérable au sortilège de suggestion. - Il est nécessaire que tes amis et toi vous vous rendiez à la Tour Inversée. Elle se situe juste en dessous de ta position. Tu la vois n'est ce pas ? La voix du mage était chargée d'une puissante énergie profane. Richard cligna des yeux avant de se tourner vers Riava. - Riava , va chercher nos amis. Nous devons y aller. Nous sommes attendus. La hyène poussa un sourd grognement et s'élança, Elle revint quelques minutes plus tard accompagnée de Bolak. Le prêtre resta quelques secondes interdit en voyant Richard s'engager seul sur la toile. - Mais qu'est ce que... Le nain jura en réalisant que le ranger était sous l'emprise d'un sortilège. Il hurla: - Alerte ! On nous attaque ! Les drows sont là ! Ce dernier comprit qu'il n'avait que quelques secondes pour réagir. Pivotant sur lui-même, il balança sa hache à l'endroit présumé où se trouvait l'enchanteur elfe noir. La lame runique ne rencontra que le vide tandis qu'une vague de puissance démoniaque s'abattait sur lui. Il eut brusquement du mal à respirer et mit un genou à terre. - Tu ne vas pas perdre conscience et manquer le meilleur ! Bolak leva les yeux. Flottant au dessus du gouffre se tenait le spoliateur de peau. Dans sa gueule dansaient les flammes de l'enfer, et ses yeux étaient comme deux flaques de magma incandescent. Le démon avait la peau transparente et toute l'architecture de son squelette était visible. De son corps humanoïde jaillissaient deux paires de bras musculeux dont l'une se terminaient par des pinces tranchantes comme des rasoirs. - Je suis venu te chercher, Bolak ! Tu m'as échappé la dernière fois mais cette fois... Le spoliateur ouvrit la bouche et l'ouvrit encore, l'étirant au delà de toute possibilité physique. Il exhala un long cri de pure démence. Bolak bondit, bavant de terreur et courut comme jamais pour fuir le plus loin possible, le cœur prêt à exploser. Un poing d'acier s'écrasa sur sa mâchoire l'envoyant bouler au sol. Bolak roula des yeux fous avant de comprendre qu'il était allongé au centre d'un cercle formait par ses frères d'arme. Il entendit la voix apaisante de Banedon: - Grande Mère, dissipe les ombres et déchire le voile des illusions tressées par nos ennemies. Le sort de dissipation se déploya, englobant tous les personnes présentes dans son aire d'effet. Il brisa l'emprise du sort de suggestion qui affectait Richard, balaya l'illusion qui altérait les sens de Bolak et fit voler en éclat l'enchantement d'invisibilité qui dissimulait les mages drows. Ces derniers planaient au-dessus du gouffre, affichant un air de suffisance qui irrita au plus haut point le Baron de Valcroix. Aussi se fut d'un voix chargée de l'autorité d'un seigneur cormyrien qu'il prit la parole: Une demi-heure plus tard, Banedon était de retours accompagné de la magicienne halfelinne. Cette dernière ne se donna pas la peine d'expliquer en détail son entrevue avec Elminster et personne ne s'intéressa réellement à ce qu'elle avait à dire. Tous se projetaient déjà dans le terrible combat qui s'annonçait: la prise d'assaut d'un sanctuaire n'allait certainement pas se faire sans douleur. Guidée par leur prisonnière, la compagnie s'engagea une nouvelle fois sur l'immense toile d'araignée. Arrivée à mi-parcours, Vel'rit parvint à fausser compagnie à ses geôliers. La jeune drow se fondit rapidement dans les ombres d'un passage accessible. Astryax décréta qu'il était inutile de la poursuivre, le temps était déjà compté, il convenait d'aller de l'avant.
Chapitre II - Les serviteurs de Kiaransalee.Après une descente angoissante, Nîrden qui ouvrait la marche atteignit un trou béant dans la paroi de l'à-pic, illuminé par un halo vert et vacillant. Le nain s'engagea dans l'ouverture. Alors qu'il franchissait le seuil, un frisson lui parcourut le cou et le cuir chevelu. Astryax, qui le suivait, remarqua que son souffle se transformait en vapeur au contact froid de l'air. Alors qu'il s'apprêtait à franchir le seuil, il eut l'impression de heurter un mur, ses bottes ripèrent sur les dalles noires. Nîrden lui saisit le bras et l'aida à se rétablir: - Ce n'est pas le moment de tomber Baron. La voix de Dorothée retentit brusquement: L'arche spectrale du temple était auréolée d'une puissante aura abjuration divine, mêlée à celle d'un sortilège d'évocation. La compréhension de cet écheveau de magie échappait à Dorothée. Invoquant une vision magique, Bolak parvint à distinguer les signes tangibles de deux sortilèges: une sanctification maléfique et un puissant sort d'interdiction. - Nous ne passerons pas enragea Bolak. Notre Foi est trop pure pour que Banedon, Richard et moi puissions franchir sans dommage cette barrière. Il faut que je la dissipe.
Dans la lueur vacillante de la lanterne magique de Banedon apparurent deux grotesques et terrifiants driders, progressant au plafond à l'aide de leurs membres arachnoïdes. Ils étaient précédés de prêtresses de Loth écorchées. La pièce vibrait d'énergie magique contenue et la tension était à son comble alors que les deux camps se toisaient avec haine.
- C'est ça que tu cherches ? demanda Katana avant d'enfoncer plus profondément sa lance-tonnerre dans la poitrine de la quth-maren. La créature poussa un ultime hurlement avant de s'effondrer dans une mare de fluide grésillant. La voix de Bolak s'éleva au-dessus de la mêlée. Le nain semblait transfiguré par une Foi sauvage: - Suppliez Clangeddin de vous accorder une mort rapide, hérétiques ! Dans un vrombissement de fin du mode une colonne de feu surgit du néant pour engloutir un drider et un exécuteur. Lorsque le feu divin disparut, il ne restait rien des deux serviteurs de la Banshee Blanche. Malgré la violence de l'attaque, les fanatiques ne cédèrent pas un pouce de terrain et le combat reprit avec une violence redoublée. Richard décochait flèches sur flèches tandis qu'Astryax invoquait sans succès des projectiles magiques. - Mais de quoi sont-ils faits, haleta Richard. En effet, le défenseur nain était toujours aux prises avec son adversaire désarmé. L'armure de ce dernier était entaillée en de nombreux endroits, preuve des assauts vigoureux de Nîrden. Pourtant, il était toujours aussi rapide et alerte. Il contre-attaqua comme la foudre. De longues serres noires prolongèrent soudainement ses doigts crochus et il fouetta le visage du nain. Les griffes crissèrent sur le camail et Nîrden sentit son cœur se crisper d'agonie tandis que son énergie vitale lui était volée par ce simple contact. Le second exécuteur porta une attaque similaire en direction de Riava. La hyène poussa un gémissement avant de prendre la fuite, incapable de supporter ce contact mortel. L'air se mit soudain a vibrer comme le marteau d'un dieu et une vague d'énergie positive balaya la salle. Banedon, porté par sa Foi, avait enfin identifié ses adversaires: des vampires. L'énergie de Chauntéa brisa la volonté de deux exécuteurs qui partirent littéralement en fumée. Bien que secoué, celui qui faisait face à Nîrden frappa une nouvelle fois le nain. Mais ce dernier était loin d'être aussi faible qu'il y paraissait. Du manche de sa hache il détourna les griffes du vampire, et sa frappe en retour ouvrit le monstre de la taille au poitrail. En lieu et place de la créature s'éleva une volute de fumée qui disparut rapidement.
D'un mot de pouvoir, Banedon incinéra le dernier drider présent. Richard et Astryax s'élancèrent à la suite de Nîrden qui s'était déjà engouffré dans l'un des passages latéraux. Ils ne purent rejoindre le nain que, déjà, une nouvelle quth-maren les assaillait. Au-dessus de l'épaule du monstre, Astryax aperçut Nîrden aux prises avec une prêtresse et un autre exécuteur. - Richard, occupe-toi du mort-vivant. Je dois soutenir Nîrden. Il n'y arrivera pas seul. Nîrden engagea le combat avec le guerrier de Kiaransalee. Feintant, le vaillant nain glissa sous la garde de son adversaire déterminé à l'éviscérer. Mais le vampire avait survécu à maints combats et il recula juste assez pour parer l'attaque à l'aide de la hampe de sa hache. Puis, il virevolta autours du nain, lui infligeant d'insignifiantes estafilades. Cependant chacune d'entre- elles poussaient un peu plus le défenseur des Moonshae vers la mort-vivance. Le nain rugit de frustration lorsque le monstre esquiva une nouvelle attaque. Cependant, tel un ours, Nîrden saisit le poignet du vampire et frappa de sa hache, à une main, tranchant le bras du monstre au-dessus du coude. Le vampire poussa un hurlement strident. Mais, dans le même temps, il se tordit légèrement pour libérer sa main valide, et frapper le nain au front. Nîrden poussa un cri et recula de quelques pas. Il s'apprêtait à repartir à l'assaut lorsqu'une vague d'énergie le frappa de plein fouet. Il mit un genou à terre, expectorant du sang. Le vampire, revigoré par l'afflux de pouvoir méphitique, s'autorisa un sourire. La victoire ne faisait aucun doute. La prêtresse s'avança. Sa tenue ne cachait rien de ses charmes. Ces hautes cuissardes noires soulignaient le galbe de ses jambes parfaites. Un long pagne de soie mauve, soutenu par une ceinture dorée, enveloppait ses hanches délicates. Sous sa coiffe de mirthral, son visage anguleux était douloureusement beau. Mais lorsque Astryax croisa son regard, il ne vit que mort et folie; il incanta. Les projectiles magiques fusèrent en-direction de l'invocatrice, elle les détourna d'un geste de la main. Mais ces quelques secondes gagnées permirent à Astryax de franchir la distance qui le séparait de Nîrden. Côte à côte, ils affrontèrent la mort. Tout se joua en quelques secondes. Sans même lever la tête vers le vampire qui le dominait, Nîrden balaya d'un revers de hache les jambes de son adversaire. L'acier magique fit éclater les genoux de l'exécuteur qui bascula en arrière. Se redressant dans un effort de volonté surhumain, le nain abattit sa hache en plein milieu du visage du guerrier, déchirant la chair livide et broyant le crâne. La servante de Kiaransalee riait comme un démente alors qu'elle ferraillait contre Astryax. Les deux adversaires étaient de puissance égale et le seigneur cormyrien doutait de ses chances. Soudain un souffle d'air caressa lui caressa le visage. La prêtresse hoqueta de surprise, une flèche en pleine poitrine. Un second projectile suivit le même chemin. Astryax saisit sa chance. Sa lame frappa l'adoratrice de la Banshee blanche au cœur dans un bruit charnu. Le corps de la drow vacilla quelques instants avant de s'effondrer. Astryax se tourna pour adresser un sourire chaleureux à Richard. Mais sa bouche se figea en pleine phrase: derrière le rôdeur une sphère de ténèbres avait englouti le reste de la compagnie.
Alors qu'Astryax, Nîrden et Richard affrontaient la prêtresse, Katana et Bolak s'élançaient à la poursuite d'une quth-maren dissimulée dans l'ombre. L'infâme mort-vivant, obéissant à ses sombres maîtres, entraîna les deux héros dans une pièce attenante où les attendait une autre chanoinesse du culte, accompagnée par une impressionnante créature. Cette dernière aurait pu passer pour une panthère gigantesque, ne fussent les trois paires de pattes et les tentacules qui saillaient de son dos. Ses yeux d'airain se fixèrent sur le nain et elle poussa un puissant feulement. - Retraite ! hurla Bolak alors que la drow invoquait une colonne de feu sur les deux imprudents Se repliant précipitamment, Katana et Nîrden rejoignirent, dans la salle de garde du temple, Banedon ainsi que Dorothée enfin libérée de l'enchantement d'immobilisation. - Une autre prêtresse et une bête éclipsante haleta Bolak. En fait, les couloirs communiquaient et la prêtresse prit les aventuriers par surprise. Katana, folle de rage, bouscula ses compagnons dans sa hâte d'en finir avec la drow. Riava, remise de l'attaque des vampires, la suivit en grondant. La demi-orque franchissait à peine le seuil de la pièce qu’une sphère de ténèbres se matérialisait, aveuglant Dorothée. Un feulement retentit au sein de l'obscurité et l'halfelinne comprit que le chien d'enfer était dissimulé dans l'obscurité. Elle invoqua un sort de dissipation. La créature apparut dans toute sa mortelle splendeur mais elle n'était pas seule. Une ombre, vêtue d'une armure noire rutilante, se dressait dans l'encadrement du passage, juste derrière Richard, au pied duquel gisait le corps d'un quth-maren Le rôdeur sentit une violente douleur quand l'assassin drow passa à l'attaque. Ses yeux sans vie luisaient de triomphe, et ses fines lèvres étaient retroussées en un sourire sauvage. Richard tituba alors que le fléau d'arme s'abattait implacablement sur lui. Sa poitrine était animée de spasmes et il haletait, crachant du sang. Soudain, Banedon s'interposa entre l'assassin et son ami. Il balança son marteau de guerre dans le visage du drow qui ne parvint pas à se mettre totalement hors de portée. Sa mâchoire se brisa sous le choc et des dents volèrent à plusieurs mètres. Sonné, il ne vit pas venir l'attaque de Bolak qui lui sectionna la main gauche. Le tueur gémit et recula, adoptant une posture défensive. Sa poitrine explosa soudainement, projetant sang et viscères à la ronde et son corps déchiqueté s'affala sur le dallage noir. Dorothée avait enfin pu recourir à ses sortilèges ! Elle ne put cependant pas jouir de son triomphe. La bête éclipsante, rendue folle de rage par la mort de son maître, se rua sur elle. Elle bondit, propulsé par ses puissants membres postérieurs. Ses muscles roulaient souplement sous son pelage. Se fut Titus qui sauva sa maîtresse. Le petit familier se jeta sur la gigantesque bête en poussant force de jappements. Ses aboiements furent interrompus par le broyage humide de son poitrail entre les mâchoires du monstre qui le sectionnèrent en deux. La bête de guerre projeta l'arrière-train de Titus à plusieurs mètres d'un simple mouvement de la tête. La douleur explosa dans le crâne de Dorothée lorsque le lien, entre Titus et elle, fut rompu. La magicienne n'était plus que douleur et c'est en elle qu'elle puisa l'énergie nécessaire pour invoquer un orbe sonique majeur sur son adversaire. L'énergie magique fit imploser le squelette de la créature sans pour autant la tuer. Les tentacules dardèrent dangereusement vers elle. Banedon conjura un ultime sortilège de colonne de feu pour mettre fin au cauchemar... Avec la mort de la bête, la dernière prêtresse de Kiaransalee comprit que le salut était dans la fuite. Immobilisant Katana dans les raies d'un sortilège, elle disparut dans les sombres corridors de la maison drow. Les aventuriers étaient bien trop épuisés pour lancer la
Chapitre V - L’improbable alliance. Astryax aida Nîrden à rejoindre la compagnie qui se regroupait en bordure du gouffre. L'odeur de mort soulevait le cœur et des morceaux de chair, d'os et d'organes tapissaient les dalles noires ainsi que les murs. Banedon canalisa l'énergie de sa déesse, soignant les blessures superficielles des uns et des autres. Nîrden se laissa glisser contre l'une des parois avant de retirer son casque et le camail qui l'accompagnait. Chaque inspiration faisait souffrir le guerrier. Voyant cela, l'élu de la Terre Mère s'approcha. D'un rapide mouvement du poignet, il écarta le col du gambison pour révéler la peau qui luisait d'une tâche noire de corruption. - C'est une vilaine plaie que tu as là mon ami. Ton âme a été souillée par les vampiriens et tu es entrain de glisser dans le monde des ombres. Après une tape amicale sur l'épaule, le saint-homme se dirigea vers Dorothée. La jeune femme était prostrée dans un coin, se balançant d'avant en arrière. Du sang s'écoulait de ses oreilles et de grosses larmes ruisselaient sur son visage. Après un examen rapide, Banedon délivra son verdict. - Physiquement, elle va bien. Mais je pense qu'il lui faudra plusieurs heures avant qu'elle parvienne à reprendre le dessus. Le choc psychologique est énorme. Le lien spirituel qui la liait à son familier est semblable au cordon qui lie une mère et son enfant... Peut être qu'une oraison divine lui rendrait un regain d'assurance. Et toi Richard, comment te sens tu ? Le rôdeur avait les traits tirés et le sang semblait avoir quitté son visage pour se répandre sur ses vêtements. Il saisit sa gourde et l'ouvrit pour boire une gorgée d'eau fraîche. Le liquide balaya un instant le goût métallique du sang. La voix rauque de Katana s'éleva dans le silence sépulcral. - Nous n'avons plus beaucoup de temps. D'un hochement du menton, elle désigna le gouffre. A quelques mètres du bord, trois mages flottaient silencieux et menaçantes. Astryax se redressa d'un bond tout en saisissant sa lame. Bolak et Banedon adoptèrent instantanément une position défensive tandis que Richard encochait un trait. Le mage du centre n'avait rien de remarquable si ce n'était sa tenue. Il était revêtu d'une chemise vert émeraude, d'un pantalon, de bottes, et d’une large ceinture jaune. Ses deux acolytes portaient des tabards violets aux couleurs de la Tour Inversée, ; une araignée stylisée surmontant un bâton, sur une chemise de mithral. Ils pointaient de façon comminatoire des baguettes en direction des compagnons. Dorothée se redressa péniblement afin d'avoir une vue dégagée sur les drows. Sa vision magique lui permit de déterminer que les trois mages étaient d'une puissance moindre qu'elle-même et, que mis à part quelques objets mineurs, ils ne semblaient pas avoir activés de sorts de protection. Soit, ils étaient très présomptueux, soit ils avaient un atout dans leur manche. Contrairement à ce que la compagnie craignait, les mages drows ne profitèrent pas de leur état de faiblesse. Ils transmirent une nouvelle fois l'offre de trêve de l'archimage de la Tour Inversée. Cette fois, Astrayx accepta au nom de l'ensemble de ses compagnons. Le mage à la tenue vert émeraude les invita à le suivre et ils franchirent une nouvelle fois la toile d'araignée géante. Passant devant deux sentinelles, le mage guida les Écus de Fortune vers l'entrée de la Tour Inversée. Celle-ci se trouvait au bout d'un court tunnel s'enfonçant dans la roche depuis le gouffre. Son entrée était marquée par une arche finement sculptée. Dorothée détecta immédiatement l'aura d'une défense magique. Elle n'eut pas le loisir d'en apprendre plus car une sphère de dissipation d'une puissance extraordinaire s'abattit sur elle, dissipant ses sortilèges actifs et permanents. La magicienne enragea intérieurement mais réalisa qu'il était évident que les drows ne la laisseraient pas pénétrer leur école de magie bardée d'enchantement. L'arche franchie, on pénétrait dans une salle dont les murs, constitués d'une pierre noire et lisse, s'élevaient majestueusement, formant un octogone ressemblant à une tour trapue qui aurait été retournée comme un gant. Deux gardes profanes se tenaient devant une seconde arche à l'opposée de l'entrée. Immobiles et silencieux, ils ne quittaient pas des yeux les aventuriers venus de la surface. A la lueur des sorcelunes répartis dans la pièce, Banedon remarqua trois portes qui se situaient en hauteur. - Seuls quatre d'entre vous seront autorisés à rencontrer l'archimage. Désignez vos émissaires. Mes gardes profanes vous ferons léviter jusqu'à son domaine. Après un rapide conciliabule, Astryax, Dorothée, Nîrden et Bolak furent désignés. S'élevant dans les airs à la suite de leur hôte, ils rejoignirent la plus haute des portes. Celle-ci s'ouvrit devant eux sans qu'aucune action ne soit entreprise. Un trône imposant fait d'un métal noir, d'allure massive, était placé sur une haute estrade à l'autre extrémité de la pièce. Le mur derrière le trône était couvert de riches tapisseries aux motifs abstraits, donnant à l'ensemble un air imposant d'autorité. Deux autres portes étaient disposées à droite et à gauche de l'entrée. D'épais tapis étaient empilés sur le sol de pierre. La salle d'audience était illuminée par de belles sphères enchantées suspendues au bout d'une chaîne fixée au centre du plafond. L'atmosphère était poussiéreuse et chargée d'une odeur de vieux cuir. - Ces endroits n'apportent que des problèmes, marmotta Nîrden. Astryax se déplaça rapidement au centre de la pièce et fît face au trône. Dorothée vint se placer à sa droite tandis que Nîrden et Bolak se tenaient un peu en retrait afin de garder la sortie dans leur angle de vue. - Ainsi voilà les êtres de la surface qui ont osé défier le pouvoir des drows ! Cracha une voix surgissant des ténèbres qui s'étaient agglutinées au niveau du trône. Le nuage de ténèbres se contracta laissant place à un drow entre deux âges, souffrant d'un embonpoint surprenant pour un membre de race. Vêtu d'une simple chemise rouge et d'un pantalon noir, il était enveloppé dans une lourde cape de soie mauve. Ses mains fines étaient ornées de nombreuses bagues et un serre-tête de platine maintenait ses cheveux aux reflets argent. L'archimage posa un regard sur les émissaires et, si le ton impérieux du baron l'avait dérangé, il ne le montra pas. Lorsqu'il s'exprima se fut d'une voix étrange, évoquant un vent gémissant. - Je suis Susztam Mar-Shinn, archimage de Szith Morcane et vous n'êtes en vie que parce que j'en ai décidé ainsi ! Maintenant, dites moi ce qui vous a poussé à vous attaquer à notre peuple. Les quatre aventuriers accueillirent avec perplexité cette déclaration, mais avaient-ils le choix. Se fut Astryax qui brisa le silence qui s'était installé. - Que Tymora soit témoin de notre accord. Nous détruirons, pour vous, la prêtresse de Kiaransalee et vous vous assurez qu'aucun raid ne soit plus jamais mené à la surface depuis Szith Morcane. Cependant si nous devons affronter une haute prêtresse, peut être pourriez vous nous fournir quelques renseignements, une preuve de votre bonne foi. Semblant remarquer pour la première fois la présence de Nîrden, l'archimage soupira: - Vous portez la corruption de la Banshee Blanche, Maître nain cracha t-il. Vous représentez désormais plus un danger qu'un atout pour vos compagnons. Je connais quelqu'un qui peut dissiper les effets du pouvoir vampirique qui vous affaiblit. Êtes vous intéresséez ? Nîrden réfléchit quelques instants, interrogeant ses compagnons du regard. Il était évident que, dans son état, il ne survivrait pas longtemps à un nouvel affrontement. - Cela peut-il être fait ? Demande t-il. Un drow surgit des ombres qui baignaient les recoins de la pièce. De petite taille, les yeux étroits et les cheveux d'une propreté douteuse, le nouveau venu avait un visage chafouin. Son cuir clouté et ses cuissardes semblaient avoir connu des jours meilleurs en raison des nombreuses tâches de boue qui les maculaient. Pour toute arme, Tooman portait un marteau qui battait son flanc. Il passa devant les compagnons en les dévisageant, avant de venir s'incliner devant l'archimage. - Que peut un humble serviteur de Celui Qui Est Tapi ? Réfléchissant, Astryax proposa de remettre au prêtre certains des effets magiques récupérés sur les corps de leurs ennemis vaincus. La compagnie accepta de céder une cape ainsi qu'une dague magique en échange des services du sinistre religieux. Pour ce qui était du sacrifice de sang, les cormyriens se montrèrent plus réservés. Cependant, lorsque Tooman proposa le sacrifice d'un esclave gobelin, Nîrden accepta; un gobelin n'étant qu'un animal, une sous-race. Sur ces entrefaites, l'archimage congédia Tooman ainsi que les compagnons: ils se reverraient une fois Dorinna T'Sarran vaincue.
Chapitre VI - La souillure de Nîrden.L’urgence de la situation n’avait pas échappé au prêtre de Ghaunadar. Aussi conduisit-il le plus rapidement possible la compagnie jusqu’à un autre secteur de la citadelle : le célèbre marché de Szith Morcane. Une fois le gouffre traversé pour la dixième fois de cette longue journée, Tooman les fit entrer dans une vaste grotte qui semblait bien grande pour le petit attroupement massé près de l’une de parois.. Deux lézards chargés de ballots et de peaux étaient au centre de l’attroupement. Auprès d’eux, trois nains gris étaient occupés à vendre les marchandises transportées. Parmi les clients se trouvaient quelques drows, des kuo-toa ainsi qu’une immonde créature humanoïde maigre. Sa peau glabre, à l’aspect caoutchouteux était d’un violet malsain. Quatre tentacules encadraient une bouche de lamproie effrayante. - Illithid, souffla Astryax Alors qu’ils s’enfonçaient plus profondément dans la cité, les compagnons remarquèrent une troupe nombreuse de guerriers drows, accompagnée par deux géants à la peau grise. Parmi les combattants, Astryax crut reconnaître leur prisonnière évadée. Le chef des soldats conversait avec un garde profane de la Tour Inversée. Voilà qui expliquait l’absence de réaction des drows : l’archimage contrôlait la situation. Tooman s’arrêta un instant auprès de l’étale d’un esclavagiste spécialisé dans la vente de goblinoïde. Les pauvres créatures faisaient peine à voir. Crottées et portant les marques de nombreux coups de fouet, les gobelins étaient parqués comme des animaux dans des cages. L’adepte de Ghaunadar négocia l’achat d’un esclave en utilisant le langage des signes propre à la société drow. Une fois l’accord passé, l’un des gobelins fut tiré d’une cage par un contremaitre et remis à Nîrden tandis que Tooman payait le vendeur. - Maintenant, il est temps de procéder à la cérémonie. Tooman guida la compagnie vers une corniche qui courait le long d’une des parois sur laquelle une demi-douzaine d’entrées avait été creusée dans la roche. Le drow s’arrêta devant une vaste porte barrée par une poutre. - Un ancien entrepôt de maison marchande, expliqua t-il. Mais désormais seul un où deux marchands arrivent d’Outreterre, chaque chevauchée. Les entrepôts sont abandonnés. J’en ai donc réquisitionné un pour en faire un temple provisoire. Seul le suppliant peut pénétrer en ces lieux. Les autres, vous attendez dehors sans faire de grabuge. Tooman ôta la barre et poussa les portes du lieu saint et invita Nîrden à le suivre en compagnie du gobelin . Une odeur insupportable, mélange de chair en décomposition et d'ordures putrides remplissait la chapelle. Au centre de celle-ci luisait un petit bassin rempli d'une vase visqueuse et fétide autour duquel s'agitaient des formes grotesques et repoussantes. Poussant le gobelin terrifié devant lui, Nîrden s'avança dans les pas du prêtre. Il Poussant le gobelin terrifié, il vint se placer devant le bassin, à gauche d'une concrétion verdâtre. Tout autour d’eux, des vases et des limons s'écoulaient des murs comme les humeurs d'un corps malades. - Les enfants de Ghaunadaur, annonça fièrement Tooman. Bien, nous allons débuter la cérémonie. Dès que je commencerais à invoquer Celui qui est tapi, vous plongerez le visage de l'offrande dans le bassin. Puis vous suivrez précisément mes instructions afin de ne pas fâcher le Seigneur des Vases. Les dents serrées, Nîrden acquiesça tandis que Tooman entamait une mélopée aux accents sinistres : - Maintenant plongez la tête du gobelin dans le bassin !! Sans effort apparent, Nîrden plongea la tête de la créature glapissante dans les eaux putrides du bassin. Dès le premier contact, la chair du supplicié se mit à grésiller. Avec l’énergie du désespoir, le gobelin essaya vainement de se dégager de la poigne de fer du nain. Mais déjà l’acide faisait son œuvre, rongeant les chairs, dissolvant les globes oculaires, brûlant les lèvres et la langue. Nîrden eut un violent haut de cœur mais pas un instant, il n’envisagea de mettre fin au supplice du malheureux. - Redressez le ! Redressez-le ! Caqueta Tooman. Nîrden releva brusquement le gobelin dont le visage n’était plus qu’un amas de chair fondue. Tooman invoqua la sinistre puissance de Ghaunadaur afin de le maintenir en vie le temps que les enfants de Celui Qui Est Tapi achèvent le rituel. Nîrden vit les vases et limons s’agglutiner à la périphérie de son champ de vision. Soudain ce qu’il avait pris pour une stalactite hideuse s’anima. Des tentacules vrombirent dans l'air. L'une des vrilles lacéra la poitrine du gobelin arrachant la peau comme les muscles, comme on retire une veste. D'autres tentacules enveloppèrent le malheureux en un instant, forçant Nîrden a le lâcher. Au côté du nain, Tooman Thendrick psalmodiait une sombre litanie. Du rideau tentaculaire émanaient des gémissements et des bruits de mastication humides. L'enlaceur dilacéra sa victime sans pour autant mettre fin à son calvaire. Du coin de l'œil, Nîrden vit les vases et limons qui s'étiraient lentement en direction du carnage dans un bruit de succion écœurant. Finalement le gobelin, pelé comme une orange, s'affaissa sur le sol. A la grande horreur de Nîrden, il était toujours en vie. Un pouding noir chût du plafond de la chapelle en un concert de borborygmes, escamotant à la vue du nain le corps ravagé. La litanie de Tooman atteint son paroxysme et le prêtre libéra l'énergie de Ghaunadar. Nîrden sentit la puissance démoniaque de Celui qui est tapis se répandre dans chaque parcelle de son corps. Un torrent de puissance impie et glacée l'inonda chassant la peur, la faiblesse, la douleur. L'énergie d'un dieu plus ancien que Morandin coulait en lui. Pendant un instant, il se sentit invincible mais une pitoyable flatuosité émanant du magna informe qui avait englouti le gobelin le ramena à la réalité. Il fut pris de violentes nausées avant de vider le contenu de son estomac sur le sol noir du temple. Prenant une profonde respiration, il se redressa en s'essuyant la barbe du revers de la main. Il puis il chassa tout sentiment de culpabilité d’une simple: pensée ce n'était qu'un gobelin, une sous-race, une vermine. Alors qu'il se dirigeait vers la sortie de la sombre chapelle, il ne vit pas le sourire cruel qui illuminait la face de Tooman Tendrick. Lorsqu'il sortit enfin de la sombre chapelle, Dorothée le harponna: - Alors comment ça c'est passé ? Raconte ! C'est quoi ce culte ? Le prêtre de Clangeddin invoqua un simple sortilège de détection de la magie qui ne révéla rien de plus que les auras magiques liées à l'équipement du Défenseur. Tous remarquèrent cependant la mine sombre de Nîrden. En fin psychologue, Astryax compris que quelque chose d’horrible et de sinistre s'était produit dans les ombres du prieuré de Ghaunadar, et qu'il conviendrait de tirer cela au clair. Mais le temps n'était pas venu; déjà Richard et Banedon s'éloignaient en direction du gouffre afin de rallier le repaire de la maison T'sarran. Tooman allait faire son rapport à l'archimage, la compagnie se mit en marche.
Chapitre VII - Exécution et Eau Brillante.La maison Morcane était plongée dans les ténèbres et le silence. Ignorant les couloirs et les portes, les compagnons se dirigèrent en hâte vers le caveau que leur avait indiqué l’archimage. Le drow n’avait pas menti. A la lueur des torches magiques, ils découvrirent les cercueils des gardes nobles posés à même le sol. Deux cadavres gisaient au centre de la salle. Nîrden et Bolak eurent des sourires sans joie : des zombies. Qui croyaient-ils tromper ? Avec une joie sauvage, les deux nains se ruèrent sur les créatures, les taillant en pièce avant qu’elles n’aient le temps de se relever. Ils ne comprirent que trop tard leur erreur. Les vampires, à l’aplomb des cadavres, passèrent à l’attaque à une vitesse foudroyante absorbant l’énergie vitale des vivants. Le combat sombra dans la confusion la plus totale. Surgissant des pièces adjacentes, des zombies submergèrent les positions des compagnons. Katana, Richard s’interposèrent tandis que Dorothée et Astryax éclaircissaient les rangs des non-morts à l’aide de boule de feu et d’éclair. Une prêtresse drow, dissimulée parmi les morts, fut foudroyée. Devant le déferlement de puissance magique de ses alliés, Richard se désengagea pour secourir les nains toujours aux prises avec les vampire, tandis que Banedon invoquait un sortilège d’éloignement du bois pour réduire en poussière le refuge des créatures vampiriques. La victoire était à portée de main, mais comme le veulent les lois de la guerre édictées par Tempus, le sort des armes bascula. Un gigantesque mur de crochets tourbillonnants et de gueules vipérines surgit du néant, scindant la compagnie en deux. La puissance magique nécessaire pour invoquer pareil sortilège annonçait l’entrée en lisse de Dorina S’Tsarran. La chanoinesse infernale surgit brusquement à l’angle du couloir, à quelques pas d’Astryax. Son corps maigre et décharnée était entourée de flammes ardentes vomies de Baator et son visage était déformée par une grimace animale, dévoilant des crocs acérés. D’une revers de masse d’arme, elle écarta la lame des vaastis qu’Astryax brandissait, tandis que sa main gauche plongeait en direction de la poitrine de l’aventurier. Le cœur du baron se crispa d’agonie sous la poigne glacée de Dorina T’Sarran. Il sentit le voile de la mort s’abattre sur lui tandis que ses chairs se carbonisaient sous l’effet du sort de bouclier de feu qui entourait la vampire. Sa dernière pensée fut pour ses enfants et son épouse, puis son corps sans vie bascula tandis que Katana hurlait son nom. Les portes de Fugue s’ouvrirent… Comme toutes les âmes, celle d’Astryax vola en direction du plan de Fugue. Le jeune baron se retrouva bientôt dans la longue file des suppliants en attente du jugement de Jergal, le Sénéchal des Morts. La plaine de Fugue était morne et grise et un nombre d’entités incroyable s’y côtoyait. Astryax aurait eu froid dans le dos, si tant est qu’il eut encore un dos, car des démons allaient et venaient arrachant certains suppliants pour les conduire vers le destin qu’ils s’étaient eux-même forgés sur le plan matériel. Brusquement une voix glaciale bouscula le flot des pensées d’Astryax. Calme et excessivement formelle, elle égrena une série de faits et d’actions qui avaient ponctué l’existence de l’aventurier. Puis, elle délivra un jugement : âme réclamée par Tymora, destination Eau Brillante. Quelques secondes plus tard, un devas surgit d’un portail opalescent qui déchira les cieux de Fugue. C’était un bel humanoïde à la peau dorée et aux yeux ambrés, mais le trait le plus marquant de son anatomie était de grandes ailes couvertes de plumes qui jaillissaient de son dos. La créature saisis délicatement le baron avant de plonger à travers le portail. Le voyage fut instantané. Avant de disparaître dans les nuées, le devas déposa l’esprit qu’était Astryax dans le quartier de la Grande Roue sur le plan d’Eau Brillante. La jeune âme était un peu étourdie. Autour d’elle s’étendait une vaste cité aux rues larges et propres, bordées de bâtiments majestueux . majestueux. Astryax déambula durant des heures dans les rues et sous les venelles, s’imprégnant pleinement de la joie, du bonheur et de la beauté, qui se reflétaient sur chaque visage. Vers le haut soleil, il s’installa à la terrasse d’une auberge et sirota un vin à la cannelle. De son vivant, il n’avait jamais goûté cette épice exotique convoyée par les marchands de Kara-Tûr. Il la trouva excellente et entreprit de rédiger un sonnet lui rendant hommage. Il venait d’achever son premier quatrain lorsqu’il réalisa qu’il était vêtu comme un troubadour et que son luth de Doss reposait contre le dossier de son siège. Une vague d’allégresse s’empara de lui et il partit d’un rire franc et sincère. Plusieurs clients se laissèrent gagner par sa joie et firent une libation en son honneur. Le reste de la journée ne fut plus que chants, concours de poésie et assauts de madrigaux. - Astryax Ryandor, je suis la voix de Tunfer le Droit, prêtre de Tyr le Juste. Sur le plan matériel, tes compagnons ont entrepris de rappeler ton âme, mais sans ton assentiment ils ne le pourront pas. Dame Chance t’a accueilli dans son domaine d’Eau Brillante mais à cet instant, en ce lieu et en ce temps, je puis guider ton âme à travers la trame des plans vers ton corps physique qui repose dans la sainte Chapelle de l’Epée. Quelle est ta décision ? Un silence impressionnant s’était abattu sur le lieu et Astryax pouvait voir les âmes qui se dispersaient comme autant de feuilles dans le vent. Son regard croisa celui de l’archange et il n’y vit que douceur et compréhension. Un choix déchirant s’offrait à lui. Le Ménestrel ne savait que choisir. Mille pensées contradictoires s’entrechoquaient. La mission, la beauté des lieux, le fils dont il était si fier, son épouse, l’enfant à venir, ses amis, la bataille qu’ils allaient mener sans lui, la quiétude enfin, la baronnie…. La Dame l’avait accueillie en son royaume. Pouvait-il rejeter ses bienfaits ? Une sourate indéfiniment récitée par les fidèles lui revint en mémoire. « Saisit la caravane de la chance, elle ne passe qu’une fois ». Il ramassa son luth, le pinça et commença de s’éloigner de l’archange. L’odeur des fragrances subtiles revint lui chatouiller les narines, les âmes se firent de nouveau plus nettes. Il s’immobilisa de nouveau, il faisait fausse route. Le précepte de Tymora était pourtant on ne plus clair. Elle lui avait ouvert les bras une fois. Si sa ligne de conduite restait en accord avec les principes de Dame Chance, elle lui réserverait toujours une place à ses côtés. Il agrippa la main tendue du héraut de Tyr et lui spécifia qu’il le suivrait. Alors qu’il décollait, il sut qu’une partie de son âme était restée dans cet envoûtant domaine.
Chapitre VIII - La lame oubliée.6 Mirtul 1371 CV, avant le lever du soleil, Chutes de la DagueLorsqu’elle émergea d’un sommeil sans rêve, Dorothée crut un court instant que le temps s’était arrêté. A l’extérieur, le ciel commençait seulement à se teinter de rose à l’est. Elle poussa un profond soupir en s’extirpant de la couette. Le contact froid du dallage acheva de la réveiller. Le silence qui régnait dans la chambre lui rappela la perte de Titus, à peine atténuée par le retour miraculeux d’Astryax. Après une rapide toilette, sa nature profonde se rappela à elle : son ventre criait famine. Aussi discrète qu’une souris, elle se glissa dans le couloir avant de gagner la cuisine où s’affairait déjà une armée de marmitons. Telle une voleuse de talent, elle s’empara d’un saucisson de cheval, d’un pain tout juste sorti du four, de deux tranches de jambon et d’une crêpe. L’objet de son larcin habillement dissimulé dans les replis de sa tenue, elle regagna son antre où elle engloutit son trésor. Ce petit encas lui permettrait de tenir jusqu’au petit-déjeuner dans une heure. La magicienne s’accorda ensuite une heure de méditation au centre d’un cercle de prière de la Dame de la Magie tracé à la craie bleue. Elle regrettait parfois de ne pas avoir choisi la voix monacale et dans ces moments elle priait avec une ferveur décuplée. Puis elle appliqua au mieux les principes de relaxation que lui avait appris Gwildarion, un ancien compagnon elfe de lune. Elle s’employa à chasser ses mauvais souvenirs afin de ne garder que l’essence même de la vie. Le succès était toujours mitigé mais cette transe l’aidait à se sentir mieux. 6 Mirtul 1371 CV, lac des embrumes.Le bleu du ciel de printemps prenait une teinte plus sombre sur les eaux calmes du lac bordé par une vaste forêt. Au sud, un sentier, dont le sol était moucheté de rayons de soleil, serpentait sous les frondaisons. Ecureuils, pinsons et coucou gris s’y interpellaient bruyamment. L’odeur musqué de l’humus se mêlait agréablement aux senteurs des premières fleurs du printemps. Banedon se posa en bordure de la sente, hors de vue de la petite île qui occupait le centre de l’étendue d’eau. - Nous y sommes. C’est ici que mes compagnons et moi-même avons affronté un culte maléfique de serviteurs de Myrkhul. Leur repaire se trouvait sur la petite île sise au centre du lac. De plus, de kuo-toas avaient construit un poste avancé sous les eaux. J’ignore s’ils sont encore présents. Tout cela c’est déroulé il y a tant de lunes, expliqua Banedon en posant pied sur la terre ferme. - Voilà qui n’est guère rassurant, rumina Katana. Je vais me rendre sur les bords du lac afin de voir si je vois de traces d’activité récente. Astryax, tu viens avec moi ? Le baron opina du chef et les deux amis disparurent dans les fourrés, tandis que Shevaril invoquait la puissance divine d’un sortilège de localisation d’objets. Guidé par la toile magique, la magicienne s’engagea à son tour sous les frondaisons. Richard, Banedon et Bolak lui emboîtèrent le pas, l’oreille aux aguets. Après quelques minutes, la dense forêt laissa brusquement la place à une clairière. Des brins d’herbes grasses en tapissaient le sol jusqu’à un flanc de colline surmonté d’un éperon rocheux dont la forme évoquée un ours rugissant. - C’est ici, à l’aplomb de l’ours de pierre que Torghal a enterré la sainte lame de Galte. Compagnons, vous pouvez creuser ! s’exclama Banedon. Richard et Bolak échangèrent un regard ennuyé : personne n’avait pensé à prendre des pelles. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Richard tailla rapidement deux outils dans des branches avant de se mettre à creuser en compagnie de Bolak. - Shevaril, vous supervisez l’opération. Je vais jeter un œil sur le lac. Je crains que l’endroit ne soit pas sans danger, précisa Banedon en s’éloignant. Après quelques minutes de dur labeur, un vieux linge rongé par le temps et les moisissures fut dévoilé par les deux terrassiers. Un sort de détection de la magie apprit à Shevaril qu’il dissimulait un puissant objet magique. Avec moult précaution, Bolak s’en saisit dévoilant l’épée de Galte. C’était une puissante épée large se maniant à deux mains et faisant près de 2 mètres d’une extrémité à l’autre. Sa lame longue et droite était faite d’un étrange alliage de métal rouge plus résistant que l’acier enchanté. Elle était aussi étonnamment large, et vue en coupe, elle ressemblait à un losange. Des enluminures et des runes couraient sur presque toute sa surface. Bolak identifia rapidement les symboles des cultes humains de la Triade de Justice qui irradiaient une lumière froide. La poignée en acier noir trempé, était gainée de peau de quaggoth. Quant au pommeau, il avait la forme d’une tête de lion rugissant. - Wahoou ! C’est un sacrée belle lame, lâcha Richard. Le contact de la chair sur le pommeau éveilla la conscience de l’épée. Après plus de 13 années dans les ténèbres, elle se réjouit de son retour à la lumière. Elle demeura, cependant, inerte entre les mains du représentant du peuple de la terre : il n’était pas digne d’elle. Elle sentit la douce caresse de la toile de Mystra lorsque la magicienne tenta de percer ses secrets. Là encore, elle demeure inerte. Enfin, un humain la saisit. Elle sonda rapidement les pensées de surface et l’allégeance de son porteur : un serviteur du Père-chêne ! Voilà qui était mieux mais guère suffisant. Elle devait trouver un porteur qui lui permettrait d’accomplir son dessein… Une brise enjouée caressait le visage de Katana et d’Astryax transportant la fragrance musquée caractéristique des régions forestières. Le doux murmure des feuilles agitées par le vent, des insectes et des petits animaux s’estompa alors que les deux compagnons s’approchaient du lac. L’eau vint avidement lécher les chausses de Katana, lorsque la demi-orque se baissa pour examiner la zone boueuse qui délimitait la berge. - Des empreintes fraîches, pieds palmés annonça t-elle à Astryax .- Les kuo-toa dont nous a parlé Banedon ? L’Ensemenceur se plaça face à l’île et laissa son âme dériver parmi les courants telluriques. Bien que ces yeux fussent clos, le prêtre percevait chaque arbre, chaque brin d’herbe, chaque fourmi plus clairement qu’à l’accoutumé. Son esprit sonda les profondeurs du lac, localisant les constructions artificielles, frôlant la conscience de créatures plus repoussantes que les orques. Puis il s’éleva en direction de l’îlot, parcourant les couloirs de l’ancienne citadelle comme il le fît 13 ans plus tôt. Quelque chose avait repris le flambeau et occupait le site. Banedon ne décela qu’une poignée d’êtres vivants ainsi que plusieurs signatures magiques. Peu désireux de dévoiler sa présence, il se retira réintégrant son enveloppe corporelle. - Ils sont toujours là ! Banedon se redressa pour se retrouver face à Shevaril. Bolak, Richard et elle étaient de retour. Le prêtre ne put s’empêcher d’admirer les courbes de la demi-elfe tandis qu’il cherchait des mots pour expliquer la situation. Prenant son souffle, il expliqua rapidement les évènements qui s’étaient déroulés ici il y a bien longtemps. Il conclut son discours en parlant de l’épée de Galte et félicita ses amis pour leur découverte. Astryax coupa court aux explications, insistant sur le fait que ce lieu n’était guère propice aux discussions, des kuo-toas pouvant surgir d’un instant à l’autre. Tous acquiescèrent et Banedon activa son chariot des vents en se promettant de revenir afin de jauger la situation et d’y remédier si nécessaire.
Chapitre IX - Convergence.7 Mirtul 1371 CV, Chutes de la Dague – Château de Randal Morn.
- Mes Seigneurs, vous êtes mandés dans la salle du Conseil avec tout votre équipement. Le Val vient de subir une nouvelle attaque. Les trois compères furent rapidement sur pieds et traversèrent une succession de couloirs grouillant d’activité fébrile. A l’extérieur, le tocsin sonnait, appelant la garde aux armes. Dans la salle du conseil, ils retrouvèrent Nîrden et Bolak penchés sur une carte en compagnie du Seigneur Morn. Ce dernier salua les arrivantles arrivants d’un signe de tête avant d’exposer la situation : - Une nouvelle attaque vient d’avoir lieu. La ferme de Guéthenoc, à un peu plus de 2 lieues d’ici. La voix de Banedon raisonnait de rage contenue. Tous les compagnons acquiescèrent et décision fut prise d’utiliser le chariot des vents pour se rendre sur les lieux du massacre. 7 Mirtul 1371 CV, Valdague - la ferme de Guéthenoc.Dissimulée au cœur du brasier qui fut un jour la maison de Guéthenoc, Dorina T’Sarran se délectait de l’horreur qui s’était abattue sur les fermiers. Enveloppée d’un sortilège de résistance aux énergies destructives, elle ne ressentait pas la chaleur infernale des flammes. Son regard se porta sur la grange, au trois quarts consumée, dans laquelle se dissimulait l’un de ses driders vampiriques. Le second se trouvait à l’étage du corps de ferme. Dans le clair obscur sanglant, les zombies allaient et venaient arrachant à pleines dents des lambeaux de chairs aux corps sans vie des habitants et du bétail. 7 Mirtul 1371 CV, Ombreterre - la Tour Inversée.Nobruzal traversa le marché d’un pas alerte. Une fois arrivé au bord du gouffre de l’araignée, il jeta un coup d’œil attentif autours de lui avant de glisser lentement le long d’un fil de toile jusqu’à l’entrée de la Tour Inversée. Plus de quinze mètres plus bas, les gardesorts observèrent longuement le mage qu’ils reconnurent comme l’un des leurs. L’archimage t’attends, lui signala en silence l’un des gardes dans le langage complexe et codé des elfes noirs. Nobruzal ne prit pas la peine de répondre. Il ne devait aucune explication à de simples soldats. Il écarta ces derniers et s’engouffra dans le court tunnel qui menait au cœur de la Tour Inversée. De là, après s’être élevé de plusieurs mètres, il s’immobilisa devant une porte miroitante, dissimulée par la toile d’ombre, sur laquelle il apposa sa main. Sa chaleur corporelle fut interprétée par des yeux sensibles à la température. La voix de Solom Ned’Razak, archimage de Sith Morcane s’éleva : - Enfin. Entre mon Khal’abbil. Tu m’as fait attendre bien longtemps. Nobruzal prit le temps de bien analyser les mots et l’inflexion du puissant maître de l’école de magie. Il avait utilisé le terme Khal’abbil, « mon fidèle ami » mais le sorcier avait décelé une pointe de raillerie dans le ton employé. Il devrait être prudent s’il voulait sortir vivant de cette entrevue. Inspirant profondément, Nobruzal força la porte sombre. L’endroit était éclairé par des sorcelunes qui dispensaient une lueur rougeâtre apaisante qui permit à Nobruzal de passer de la vision infrarouge à la vision ordinaire. Il cilla quelques secondes lors du passage d’une vision à l’autre. Les murs de la pièce étaient couverts d’étagères encombrés de livres et de parchemins empilés dans un désordre complet. Une odeur de cèdre et de vieux papier emplissait l’atmosphère. Derrière un bureau de pierre, l’archimage était assis dans un fauteuil de bois exotique, une boule de cristal posée devant lui. C’était un drow entre deux âges qui, sans être musclé, dégageait une sorte de beauté sauvage. Il portait un grand anneau d’or à l’oreille, un pantalon noir passé dans des bottes de cuir montantes et une chemise violette bouffante ouverte jusqu’au torse. Un fin bandeau d’or retenait ses longs cheveux blancs. Une délicate cape noire complétait l’ensemble. - Approche Nobruzal, mon plus fidèle apprenti, en indiquant de la tête la boule de cristal. Nobruzal s’approcha et remarqua que l’archimage dégageait une odeur de parfum et d’encens, en particuliers le bois de sental. - La compagnie des Ecus de Fortune a engagé le combat contre Dorina, expliqua Solom sur un ton égal. Ils vont faire leur part de travail. As-tu fais la tienne ? La main de Solom esquissa quelques mouvements, trop rapides pour que Nobruzal puisse les détailler. Il se raidit d’instinct mais demeura immobile. - Assieds toi mon Khal’abbil. Dorina est en passe de perdre la partie. Nobruzal s’assit sur un simple tabouret face à l’archimage et plongea son regard dans la boule de cristal. Ce qu’il vit le laissa sans voix. 7 Mirtul 1371 CV, Valbatalle - Village de Hap.Talbert se dressa brusquement dans le lit. La température avait chuté de plusieurs degrés et son souffle se condensait au contact de l’air froid. Il scruta les ténèbres, son regard accrocha une ombre vaguement humanoïde. Il jaillit hors du lit, effectua un roulé-boulé sur le plancher qui l’amena à portée de sa lame. Il saisit la garde en ivoire dans un ample mouvement avant se dresser face aux ténèbres. - Au nom de Lathandre, il est l’heure de retourner en enfer ! La voix de Talbert résonna contre les murs nus, intensifiant la puissance de ses mots. L’ombre se tourna pour affronter le paladin, elle était maintenant tangible et Talbert s’apprêta à la bannir. Les dernières paroles de son vade rétro moururent cependant sur les lèvres lorsqu’il assimila le spectre à un prêtre d’Ilmater. - Paix Talbert de Goenoc ! Je suis Frère Thorgal, messager du Dieu Brisé. L’étrange spectre portait le tabard gris à capuche traditionnel des Frères Pleureurs. D’un geste calme, il ôta son capuchon. Talbert eut un mouvement de recul involontaire en découvrant l’aspect de son vis-à-vis. C’était une créature grotesque, très laide. D’un mètre soixante au plus, son visage était à mi-chemin entre celui d’un humain et celui d‘un orque. Le paladin n’aurait pu dire ce qui était le plus repoussant : son petit nez porcin ou sa mâchoire proéminente et simiesque. Le messager céleste eut un sourire carnassier : - Ta vie est étrange, n’est ce pas Talbert ? Toi qui vénère Lathandre et qui accorde beaucoup d’importance au paraître voilà qu’un spectre au visage monstrueux, adepte du Dieu Pleureur te rend visite. D’un simple mot, Thorgal invoqua le symbole de sa divinité ; sa puissance frappa Talbert avec la force de cent hommes. Le chevalier saint sentit ses genoux cédés sous l’impact, et il se retrouva tel un suppliant face au demi-orque céleste. - Maintenant écoute moi Sir Talbert de Goenoc, une compagnie d’aventuriers luttent actuellement contre les drows de la cité de Sizth Morcane. De leur succès dépend l’avenir de beaucoup et… Frissonnant, Talbert se rendit compte qu’il était désormais seul. Avait-il rêvé ? Un archon du Dieu Brisé était-il vraiment venu le visiter ? Peut être était-il seulement surmené. Les combats des dernières chevauchées l’avaient épuisé.
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Mise à jour le Jeudi, 19 Mai 2011 07:32 |